MR AJ

DURANCE-CS032019 
(Label Durance / Absilone)
Enregistré, mixé et masterisé par Antony Soler à l'Atelier de Musiques Improvisées 
Rémi Charmasson : guitare / Alain Soler : guitare

Voici un disque au titre mystérieux : « Mr. A.J. » et dont le visuel de pochette l’est tout autant. Il nous faut lire le communiqué de presse ainsi que les notes figurant à l’intérieur de la pochette pour être totalement éclairés ; en même temps ces informations sont faites pour être lues et l’on peut s’interroger sur l’abandon de ces précieuses informations lorsque la musique sera complètement dématérialisée (ère incertaine de « l’oubli-consumérisme »).


Rémi Charmasson et Alain Soler, deux guitaristes de jazz (« jazz » dans son acception la plus ouverte) qui résident dans le sud de la France, (Rochefort du Gard pour le premier et Château-Arnoux pour le second), signent ici un tendre hommage à André Jaume, (saxophoniste précurseur de la scène jazzistique européenne d’avant garde dans les années 70) avec lequel ils partagèrent pendant plus de trente ans nombre de voyages, de rencontres dont on peut entendre les nombreux témoignages discographiques dans certaines productions du Label CELP (Alliance, Borobodur, Bissau, Play The Red Bridge, Merapi, Résistances, Hymnesse...). A.J. fêtera son quatre-vingtième anniversaire l’année prochaine.


Le mystère des Initiales « titre » et du visuel de pochette (Jaume en lieu et place des deux guitaristes) est alors résolu !
Le CD est fait d’un florilège de compositions de Jaume, de Charmasson et de Soler mais également de pièces signées Django Reinhardt, Lennon/McCartney, Grachan Moncur III ou encore Charlie Chaplin. Tous ces prétextes offrent aux deux guitaristes un terrain de jeu(x) délivrant tous les « champs des possibles ». Une exploration qui semble sans limite, totalement jubilatoire et maîtrisée par ces deux « risque-tout ».


Les esthétiques, les styles, les codes, le langage et la syntaxe propres au jazz sont parcourus avec la plus belle et la plus grande liberté, aménageant surprise sur surprise dans des cadres stylistiques parfois bridés aujourd’hui (hélas !) et dont ces deux là s’affranchissent naturellement ; tantôt avec délicatesse-virtuosité (Anouman, Is It A French Song ?, Smile) ; tantôt avec force et conviction (Marratxi, River Chant, The Coaster) ; tantôt enfin avec un amusement ludique très perceptible (Blues for Ike, Girl, Beguin) qui nous a entièrement conquis.


Les expressions distinctes et les « sons » immédiatement identifiables des deux guitaristes (Charmasson plus « folkisant », avec sa Telecaster par ici ; Soler plus « bopisant », avec sa Gibson par là), fusionnent à merveille et dessinent un voyage improvisé idéal à travers l’histoire de la guitare dans le Jazz (comment ne pas penser aux duos célèbres qui l’ont jalonné ? notamment J. Hall & P. Metheny...).


Mais aussi un mot pour dire tout le bien que l’on pense du travail de prise de son de toute beauté réalisé par Antony Soler, (fils du guitariste et excellent batteur par ailleurs que l’on a découvert il y a quelques temps, sur le dernier CD du 4tet d’André Jaume sorti en 2016 : Something Close To Something ... Tiens tiens !)
Pour conclure « Mr. A.J. » est indéniablement un album « d’amour » offert à un compagnon de route humble, discret et éclairé, où l’amitié « transpire » tout du long pour le meilleur du Jazz, de « l’esprit » du Jazz, de la guitare dans le Jazz et de la musique en général.
Proposé par le label « jarlandin » Durance (distribution Absilone/Socadisc), voici un CD qui sort du lot au regard de l’uniformité des productions proposées actuellement. 


Chaleureux, pertinent et délicat, il faut se le procurer de toute urgence !


ImproSphère - Mercredi 5 Février 2020 - Claude Ponce